n'ayant jarnais payé aucun impôt que par la voie des droits d'entreé sur les importations, et de sortie sur les exportations, il se figureroit qu'il a été abusé, et qu'il n'a été conquis par ses voisins que pour être taxé et payer tous les frais de la guerre présente, ainsi que les Royalistes le lui font entendre.
3. Pour ne point les alarmer, il faudroit leur laisser leurs evêques, leurs prêtres, et le libre exercise de leur réligion. Il est vrai que quelque-suns de leurs curés ont fait des neuvaineset prieurs publiques à l'Etre Suprême pour qu'il daigna exterminer les troupes que nos bons voisins ont bien voulus envoyer à notre secours; mais la politique exige dans ces circonstances qu'ils soient maintenus, et non réduits.
Quant aux mesures à prendre pour empécher une flotte de passer au-dessus de Quebeck, il me semble que le plus expedient pour des personnes qui, jalouses de leur liberté, ne doivent pas risquer leur fort au hasard d'une bataille, seroit de la brûler.
L'endroit le plus pres de la ville ou une flotte puisse rnoniller, est le chenal de l'Isle d'Orléans. Il est vrai qu'en 1759 les Francois ne retissirent pas à brûler celle de l'Amiral Saunders, quoiqu'ils eussent hult brûlots du port de 200 jusqn'à 450 tonneaux; mais il ne faut pas en etre surpris. A l'instant du depart de ces brûlots, tous les capitaines qui devoient les commander reçurent un ordre positif de lever leurs ancres et de mettre le feu à leurs nayires aussitot que le commandant auroit mis le feu au sien; mais ce dernier, au lieu de lever, coupa ses cables sur la bite, et força de voile, de sorte qu'il a été rendu à la Pointe-Lévi lorsque les autres étoient à peine à moitié chemin; cependant le commandant étant encore a deux fieues de la flotte qu'il devoit brûler, il mit le feu a son brûlot; tous les autres en firent autant en conformité de leurs ordres, mais trop tot pour qu'ils pussent produire aucun effet; plusieurs d'entre eux s'echouerent avant d'arriver à la flotte; et l'amiral, qui avoit eu la précaution de faire rnotiiller tous ses vaisseaux, et transporter le long des battiires a droit et à gauche du fleuve, eut le temps d'envoyer des chaloupes pour remorquer dans le milieu de chenal, qui pour lors étoit libre, les brûlots qui ne s'étoient pas echoues.
On peut dire que si cette expedition n'eut pas le succés que Pon devoit en attendre, elle répondit on ne peut pas mieux aux vues de ceux qui avoient intérêts qu'elle ne réussit pas. Si le contraire fut arrivé, les généraux n'eussent pas pu se flatter d'acquerir de la gloire durante le cours de cette campagne. On sait que l'evènement justifia mal leur espoir. Il ne seroit de même avec des Généraux qui ne sacrifieroient pas les intérêts publics á leur ambition parliculière.
Il me paroit qu'il ne seroit peut-être pas impossible de se debarrasser d'une flotte, et même d'une escadre, dans un fleuve comme celui de la Province de Quebeck. Les marées peuvent favoriser ces sortes de manoeuvres, et la Province fournit en abondance des matériaux convenables pour construire des brûlots de deux espèces qui ne pourroient être coulés bas facilement par l'artillérie d'un vaisseau de guerre; une des deux espèces pourroient lancer son feu de loin, et I'autre par communication.
Il est bien decidé qu'un corps ne flotte dans un fluide que parcequ'il pese moins que la volume de ce même fluide qn'il deplace. D'après ce principe incontestable, il ne s'agit que de remplir la cale d'un bâtiment d'un matière dont le poids, ajoute a celui des munitions de guerre, de bouches, equipage, &c., pese moins que le volume d'eau qu'il pourra deplacer.
Le cèdre est fort abondant en ce pays, et est très convenable en pareil cas, parceque son poids spécifique est moindre qne celui de l'eau. Un pied cube de ce bois, quoique vert, peut supporter sur la surface de l'eau un poids de trente livres, et ne peut absolument caler qu'avec trentesix livres; mais pour éviter toute difficulte imprévue, je suppose qu'il n'en porte que vingtcinq livres. Dés-lors un bâtiment large, à fond plat de 200 lonneaux de trente pieds cubelchaque, construit avecdu cedre, et dont la cale en sera rernplie, pourra, quoique plein d'eau, porter 150,000 livres, qui font 75 tonneaux; et floter facilement, je suppose que la partie du bâtiment qui sera dans l'eau fera un effort suffisant pour supporter celle qui en sera déhors.
D'apres ce calcul, il est aisé de donner à une pareille barque un equipement qui n'excede point ce poids, ayant attention de se reserver au centre pour les munitions, un coffre étanche depuis le fond le cale jusqu'aux baux.
Le volume de ce coffre peut, par son déplacement de l'eau, donner la facilite de mettre du lest, afin de maintenir l'équllibre; le poids d'un pied cube d'eau douce étant 70 lbs., il ne s'agit que de donner au coffre une grandeur relative au poids du lest nécessaire au bâtiment que l'on voudra construire.
Mais au lieu de farmer avec des canons, si l'on pouvoit lui substituer des obus pour tirer horizontalement des bombettes de huit pouces, et s'urtout des carcasses rondu en forme d'herisson on pourroit espérer de brûler les vaisseaux ennemis, pourvu que l'on garantit du feu les sabords en leur donnant une forme conyenable, et les garnissant avec de la taule, il faudroient que les pointes des herissons fussent grillées, et que les matières combustibles qui les envelloperoient pussent flechir assez, afin qu'arrivant sur un vaisseau, elles pussent entrer dans les bordages jusqu'à un pouce et demi on environ. Un petit boulet d'ou s'enléveroit en diffeients sens des pointes de fers grillées garnies dans les intervalles, et même jusqu'au dessus de leurs surfaces, pointues avec de l'etoupe huilée, de la toile goudronnée, et autres matières combustibles, que l'on a acoulunie d'employer dans les carcasses, composeroit cette machine destructive.
Il ne seroit peut-être pas impossible de baslinguer un tel bâtiment de façon à le mettre à l'abris du boulet, et de le garantir de l'abordage, en garnissant son ribord de pointes de fers, les lines horizontales et les autres verticales, en leur donnant deux pieds exterieurement deux lonneaux de fer suffiroient. La précaution de ne placer des aubans qu'intérieurement (ce qui peut se faire en égard à sa largeur) et de ne point lui donner de beaupré conviendroit en pareil cas. On sait bien qu'un bâtiment qui partiroit de Quebeck avec un vent fait de sud-ouest et marée baissante qui iroit la nuit mouiller en avant d'un vaisseau de guerre et qui fileroit son cable jusqu'a ce qu'il n'en fut qu'à environ cinquante brasses, ne sauroit être abordé pour ce vaisseau, le vent et le courant etant deux obstacles invincibles; mais ces sont les chaloupes que l'on ne manqueroit pas de trouver mouillées bien audessus des vaisseaux qui pourroient être à craindre, e'est pourquoi il faut des inoyens pour sauver le bâtiment en question de l'abordage.
Si une machine flotante construite sur ces principes ne pouvoit être coulée bas ni abordée, et qui lançant son feu à une moyenne distance, pourroit insulter un vaisseau de guerre, le brûler, on au moins l'obliger de lever, auroit, je crois, quelque avantage sur un bâtiment ordinaire. Il est vrai qu'il ne seroit propre que sur une rivière, mais e'est tout ce qu'on en attend.
Huit bâiiments de celte espèce de 150 tonneaux chaqae, a un mât seulement montée chacun de six ou huit obus, couteroient moins en total qu'un seul vaisseau de soixante canons, et rendroient peut-être plus de service; quant à l'autre espèce de brulôt destiné à metlre le feu par communication, on pourroit les faire sur les mêmes principes, mais beaucoup plus petits.
Des gabarres à fond plat de vingt à trente tonneaux pontier garnies de cèdre dans le câle, et ayant leurs artifices sur le pont suffiroient.
Deux raisons qui m'ont parties très importantes ni'ont fais imaginer la necessité des brûlots: la premiere c'est qu'avec des nouvelles troupes, il pourroit y avoir quelques difficultés à disputer le terrein à des vieux corps régiés; et la deuxième c'est que j'oserois dire, par expérience, que l'on doit poser pour axiome que des batteries quelques fortes qti'elles puissent être ne sauroient empêcher une flotte de passer durant la nuit devant Qucbeck, remonter le fleuve, et laisser par la derrière elle lous les préparatifs qu'on auroit pu faire par terre.
Telles sont, Monsieur, les idées que j'ai formé sur l'ataque de Quebeck, et une partie des défenses de la Colonie, et que je soumis à votre examen. Je suis bien convaincu que ceux qui, comme vons, s'interessent essehtiellement à la prospérité de l'Amérique sauront prendre tous les arrangements convenables dans les circonstances présentes.
Si j'ai pris la liberté de vous communiquer mes sentiments à cet égard, e'est que persuadé, comme je suis, de la
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