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reflexions me mettoient du noir dans l’esprit; mais mon attachement pour vous et pour vos respectables amis, ma reconnoissance pour les sentimens de bienveillance que vous avez inspirés a tous vos compatriotes en ma faveur, mon zele pour la cause de la justice, de la liberté, et de l’humanité, enfin la necessité même des conjonctures où la Providence sembloit m’avoir specialement designé, au defaut de tout autre, pour un service si honnête et si indispensable 1’emporterent sur toutes les considerations particulieres, et me firent regarder comme un devoir sacré de me devouer sans reserve à ce qu’on me demandoit en votre nom, et dupuis cet instant je me suis regardé comme le depositaire eventuel de la confiance des Colonies Unies de l’Amerique; j’ai tâché de remplir toutes les fonctions d’un agent fidele et zelé; et je continuerai ainsi jusqu’à ce que leurs vrais representans me desavouent. Je compare ma situation a celle de quelqu’un qui s’etant trouvé seul à portée de receueillir des effets precieux d’un naufrage, ou d’un incendie veille plus scrupuleusement sur ce depot force que sur ce qui se passe en ce moment dans sa propre maison.

Sachant que l’Amerique unie avoit un besoin urgent d’une certaine espece d’hommes et d’un certain genre de provisions, je me suis empressé de lui procurer Fun et l’autre j’ai frappe, pour ainsi dire, à toutes les portes pour cet effet; j’ai parlé vaguement aux uns, et enygmatiquement aux autres, j’ai fait des demi confidences a plusieurs, et le moins qu’il ma été possible de confidences entieres à qui que ce soit à l’exception des Ministres du Roi, et d’un neveu dont je suis tres assure, que j’ai fait venir exprès de sa province pour me seconder en tout. J’ai en la satisfaction d’etre accueilli de toutes parts, et de voir que personne ne me demandoit d’autres assurances que ma parole pour traiter avec moi des affaires de la plus grande consequence, et sur lesquelles je convenois de bonne foi n’avoir reçu ni plein pouvoir, ni même la moindre commission où instruction de vive voix non plus que par ecrit. Des Ministres à qui je n’avois jamais fait ma cour, m’ont marque dès la premiere entrevue la confiance la plus flatteuse m’ont parlé sans detour ni mystere, ont disenté avec moi les matures les plus graves et déliberé ensemble sur le parti à prendre et les moyens de le remplir. Des particuliers isolés, negocians militaires et autres se sont prêtés sans tergiverser à prendre avec moi des arrangemens conditionels promettant de les executer quand ils en seroient requis, quoique je leur eusse declaré que de mon côté je ne pouvois leur garantir positivement quoique ce soit.

D’un autre coté, j’ai été quelque fois mal adressé et en risque de faire de mauvais choix, ou de mauvais marches, si je ne m’etois tenu soigneusement sur mes gardes, et si je n’avois tiré sur châque objet des informations de plusieurs endroits. Vous auriez peine à croire, par exemple, qu’un ministre plein de bonne volonté m’ait indiqué et recommandé pour du salpetre, pour des fusils, &c., des magazins, des fournisseurs chez qui le salpetre etoit trop cher, et les fusils defectueux, aussi loin de trouver mauvais que j’aye pris des arrangemens tout differens, il m’a sçu gré de l’avis que je lui en ai donné.

J’ai fait six* differens voyages à Versailles depuis un mois, pour voir non seulement les ministres, mais aussi tout ce qui les approche, ou les frequente, et sonder ou faire sonder les dispositions de chacun, car il ne faut pas croire qu’ils soient tous egalement bien intentionnés; cepandant je voulois tâcher de tirer quelque parti de tous et effectivement quoique j’aye plus a me louer des uns que des autres, il n’y en a aucun de qui je puisse me plaindre sans ingratitude.

J’ai obtenu entre autres choses, sous le nom de M. de la Tuillerie entre preneur d’une manufacture d’armes, qu’il lui soit delivré incontinent des arsenaux du Roi quinze mille fusils à l’usage de l’infantine suivant le modele de 1763, pour être employés dans son commerce, a condition de les remplacer dans le courant d’une année par un pareil nombre de nouveaux fusils de sa fabrique, en donnant bonne et suffisante caution pour ce rcmplacement; et on m’a agrée pour caution le premier envoi de ces fusils est deja en route pour Nantes aù M. Penet attend les vaisseaux que votre Comitè Secret doit y envoyer. J’espere que vos braves guerriers seront contens de ces fusils; mais il faut les avertir de ne pas trop se fier aux fusils ordinaires du commerce que l’on appelle fusils de traite, qui sont presque aussi redoubtables aux amis qu’ aux ennemis.

J’aurois obtenu sans difficulté du canon de bronze aux mêmes conditions, si l’on n’avoit pas été retenu par la consideration qu’ils portent les armoiries, ou les chiffres du Roi, qui les rendroit trop reconnoissables. Cepandant si j’avois été autorisé par le Congrèss à insister fortement la dessus, il auroit été possible d’enlever à la lime les L. L. et les fleursde-lys; mais tou tcela ne pouvoit s’executer sans frais, et qui est ce qui en auroit fait les avances? M. Turgot, le seul Ministre de qui j’aurois pu attendre tant de faveur, a été disgracié le 12 May; et tous les autres sont tellement harcelés aujourd’huy par les cabales extraordinaires de la Cour, que chacun est trop occupé du soin de se maintenir pour prendre sur son propre compte des affaires publiques qui ne sont pas absolument et uniquement de son ressort. Tous se preteront de bonne grace à une cause juste et honnête, mais aucun ne l’epousera avec chaleur. On a beau leur representer le grand interêt qu’à la France de ne pas manquer l’occasion d’enlever à l’Angleterre et d’attirer chez elle un commerce immense, et qui ne peut que s’accroitre encore d’année en

forced charge, than over what passes at the same moment in his own house.

Knowing that united America had pressing need of a certain kind of men, and a certain species of provisions, I have exerted myself to procure both the one and the other for her. I have knocked (if I may so express myself) at every door for that end; I have talked vaguely to some, enigmatically to others; I have half confided to many, and as little as possible have I wholly confided in any one whatever, except the King’s Ministers, and a nephew, of whom I am thoroughly satisfied, and whom I have drawn from his own province on purpose to second me in everything. I have had the satisfaction of being well received in every quarter, and of seeing that no one demands other assurances than my own word to treat with me upon affairs of the greatest consequence, and concerning which I freely acknowledge to have received neither full power, nor even the least commission or instruction, by word of mouth any more than by letter. Ministers, to whom I had never made my court, have given me the most flattering marks of confidence from my first interview; have talked to me without winding or mystery; have discussed with me the weightiest matters; and have deliberated with me the determinations to be taken, and the means to accomplish them. Private individuals, merchants, military men, and others, have attended without scruple to take from me conditional arrangements, promising to execute them when it shall be required, though I had declared to them, on my part, that I could not warrant anything at all positively.

On the other hand, I have sometimes been ill-directed, and have been in danger of making a bad choice, or bad purchases, if I had not kept myself watchfully on my guard, and if I had not drawn informations from several quarters upon every business. You would hardly think, for example, that a very friendly Minister should point out and recommend to me for saltpetre and for small-arms, such magazines and salesmen whose saltpetre was too dear, and whose arms were defective. Far from taking it ill that I made very different contracts, he thanked me for the intelligence I gave him.

I have been six* different times to Versailles within a month, to see not only the Ministers, but everything which approaches them or continues near them, and to sound or get sounded the dispositions of every one; for it must not be thought that they are all equally well-intentioned;

* And three times more in the latter part of June.

* Et trois nouveaux dans le reste du mois de Juin.

however, I wanted to draw some advantage from all. And, in fact, though I had rather praise some than others, yet there is not one of whom I can complain without ingratitude.

I have obtained, among other things, under the name of Mr. Be la Tuillerie, the undertaker of a manufactory of arms, that there shall be delivered to him immediately from the King’s arsenals fifteen thousand muskets for the use of infantry, according to the model of 1763, to be employed in his commerce, on consideration that he replaces them in the run of a year by a like number of new muskets of his own make, giving good and sufficient security for such return; and they have taken my security. The first part of those muskets is already on the route to Nantes, where Mr. Penet looks for the vessels which your Secret Committee is to send thither. I hope your brave soldiers will be pleased with these muskets; but you must caution them not to trust to the ordinary muskets of commerce, which are called “muskets for exportation,” which are almost as dangerous to friends as to enemies.

I should have obtained brass cannon on the same terms without difficulty, were it not for the circumstance of their bearing the King’s arms and cipher, which made them too discoverable. However, if I had been authorized by Congress to insist strongly on it, the L. L. and the flowers-de-luce might have been taken off by the file; but all this could not have been executed without expense: and who was to have advanced that 1 Mr. Turgot, the only Minister from whom I could expect so much favour, had been disgraced the 12th of May; and all the others are so teazed at this time by the extraordinary cabals of the Court, that each one is too hurried by the care of supporting himself, to take as his proper charge the affairs of the publick which are not absolutely and immediately in his department. All will kindly listen to a just and honourable cause, but none will espouse it with warmth. It is useless to represent to them the great interest which France has in not losing the opportunity of stripping England of an immense commerce, and of drawing to herself what must certainly increase from year to year; they easily comprehend all this; but France, over head and ears in debt, wants bread, and it is their interest to support her. They would have permitted me to take secretly, from even the Arsenal of Paris, powder and lead, saltpetre, &c., if we had not found as good, and upon better terms, among the merchants, and even in greater quantities than Mr. Penet has orders to ship.

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